L'ICRML :
le carrefour national de la recherche sur les communautés de langue officielle en situation minoritaire

Publication du septième numéro de la revue Minorités linguistiques et société - mai 2016

Diversité, frontières ethnolinguistiques et éducation au Québec et au Canada

Ce septième numéro de la revue Minorités linguistiques et société/Linguistic Minorities and Society préparé sous la direction des professeures Marie-Odile Magnan et Patricia Lamarre de l’Université de Montréal met en exergue des frontières menant à un sentiment d’exclusion de jeunes anglophones et allophones face à la majorité « francophone québécoise ». La fracture entre l’identité civique promue par les politiques au Québec et les frontières ethnoculturelles construites par les jeunes au quotidien pousse à la réflexion. Les articles présentés mettent en lumière la difficulté de traverser la frontière et de se sentir inclus dans un Nous « francophone québécois », un Nous encore associé dans les discours aux termes « Québécois pure laine » et « Québécois de souche ». Ces constats nous poussent à repenser le rôle de l’école; il semble crucial, à la lumière de ces enquêtes, de concevoir des initiatives pour favoriser des rapports intergroupes harmonieux et déconstruire les sentiments d’exclusion que peuvent ressentir les jeunes issus de groupes minoritaires vis-à-vis les « francophones québécois ». Dans cette vision, l’école aurait davantage pour mission de favoriser le vivre-ensemble et l’inclusion dans un milieu francophone pluraliste.

Les articles de ce numéro permettent plus spécifiquement de se pencher sur les jeunes issus de groupes minoritaires au Canada, que ce soit des jeunes issus de minorités linguistiques - francophones hors Québec, anglophones au Québec - ou issus de minorités ethnoculturelles - jeunes issus de l’immigration au Québec. Ces articles révèlent une frontière externe vive ressentie entre les « francophones québécois » et les Autres (les francophones minoritaires, les anglophones au Québec et les jeunes issus de l’immigration au Québec). Ces résultats permettent de douter de la disparition d’une conception ethnique de la nation québécoise. La conception inclusive mise de l’avant par les autorités québécoises dès les années 1970, à mi-chemin entre l’assimilationnisme et le multiculturalisme, ne semble pas ici colorer les interactions intergroupes et les identités des jeunes analysées dans ce numéro. Les efforts de territorialisation d’une identité québécoise dite civique, mobilisés dans le discours formel, ne semblent pas avoir encore contribué de façon importante à la « désethnicisation » de la nation québécoise.

Les trois premiers articles de ce numéro – ceux de Rodrigue Landry et Réal Allard, de Diane Gérin-Lajoie et de Paul Zanazanian – examinent sous différents angles le vécu actuel d’anglophones du Québec. Si cette minorité est « avantagée » par le pouvoir de l’anglais au Canada et dans le monde, les jeunes de la communauté ressentent néanmoins un sentiment d’exclusion de la part des « francophones québécois ». Deux autres articles nous permettent d’examiner la présence de frontières au sein des écoles de langue française au Québec. Les articles de Marie-Odile Magnan, Fahimeh Darchinian et Émilie Larouche et de Jacques Ledent, Marie Mc Andrew et Gérard Pinsonneault permettent de jeter un éclairage sur les jeunes issus de l’immigration, leur rapport à l’école de langue française au Québec et leurs choix d’orientation linguistique subséquents au cégep et à l’université. L’article d’Annie Pilote et Jo-Anni Joncas, une étude qualitative portant sur la construction identitaire d’étudiants universitaires fransaskois, permet de constater que l’expérience du programme d’éducation française de l’Université de Régina contribue à forger un sentiment d’appartenance plus fort chez les jeunes francophones vivant hors Québec. Les stages d’immersion réalisés au Québec renforcent leur sentiment d’appartenance à la francophonie canadienne ; ils se sentent exclus du Nous québécois lors de leurs interactions au Québec. L’article de Benoît Côté, Patricia Lamarre et Andry Nirina Razakamanana permet d’envisager des pistes d’intervention pour favoriser des échanges et de meilleures relations entre les jeunes des deux secteurs éducatifs et linguistiques du Québec (secteurs francophone et anglophone), par un programme permettant une traversée des « frontières » scolaires. La mise en œuvre concrète de la théorie des rapports intergroupes dans les milieux scolaires permet de constater des effets de ces rapports. Enfin, l’article de Luk Van Mensel vient jeter un regard comparatif sur les rapports de pouvoir linguistiques et les choix scolaires dans un autre contexte : celui de la Belgique et, plus spécifiquement, de la ville de Bruxelles. Cet article portant sur un autre contexte national nous permet de réaliser toute la difficulté que les acteurs sociaux ont à déconstruire des frontières d’exclusion bien instituées sur le plan des représentations sociales et des politiques au fil de la trame historique.


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